S’entraîner le ventre vide brûle-t-il plus de graisse ?
Introduction
Rien n’est simple lorsque l’on cherche à perdre du poids. Il faut trouver le meilleur entraînement pour brûler des calories. Il y a bien sûr la question de savoir si son alimentation est adaptée pour éliminer la graisse. Et il y a cette question embêtante de savoir si s’entraîner l’estomac vide le matin aide à perdre du poids plus rapidement. Malheureusement, les études scientifiques ne donnent pas de réponse unanime.
Pourquoi s’entraîner à jeun ?
La théorie de l’entraînement à jeun est que lorsque tu fais une séance de cardio-training le matin avant le petit déjeuner, ton corps brûle ses réserves de graisse plus rapidement.
L’idée est que le corps a commencé à vider ses réserves de glycogène pendant la nuit et qu’il va se tourner plus facilement vers les graisses pour apporter de l’énergie nécessaire à une activité physique.
Le problème est que si ton corps a ses réserves de glycogènes dans le rouge, dans le cas où tu aurais mangé tôt et léger la veille au soir, ou si ta nuit a été plus longue que prévue, le corps pourrait se tourner vers une autre source d’énergie : le muscle.
Quels avantages de s’entraîner à jeun ?
Alors que dit la science sur les avantages de sauter le petit déjeuner avant un entraînement ?
Combustion de plus de graisse
Une étude très poussée menée en 2013 par la Northumbria University en Angleterre1 a étudié l’impact du petit déjeuner et de l’entraînement sur le métabolisme postprandial, l’appétit et le système endocrinien. Pour cela, ils ont examiné 12 hommes actifs divisés en 2 groupes qui ont couru sur un tapis roulant.
- Le premier groupe a couru après avoir pris un petit déjeuner.
- Le deuxième groupe a fait le même effort en étant à jeun depuis la veille au soir.
Les paramètres suivants ont été analysés : glucose sanguin, taux d’insuline, mesure de l’insulinosensibilité, taux de glucagon, apport énergétique et le métabolisme. L’étude est très détaillée (voir référence en bas de page).
Résultat : les sportifs qui n’avaient pas rompu leur jeûne, plus précisément qui n’avaient pas pris de petits déjeuners, ont brûlé jusqu’à 20 % de plus de graisse corporelle au cours des mêmes séances d’entraînement.
Amélioration des performances à long terme
Une autre étude anglaise menée par l’Université de Liverpool John Moores, publiée dans le European Journal of Sport Science en juin 20142 montre que l’entraînement physique modéré avec un niveau d’hydrates de carbone bas, comme lorsque tu as l’estomac vide, contribue à améliorer les performances. Cela me fait penser à une étude que j’avais lue, qui disait que nos ancêtres avaient souvent le ventre vide avant d’aller chasser ou chercher de la nourriture. Les organismes se sont adaptés depuis des centaines de milliers d’années (et avec la sélection naturelle), pour développer des qualités physiques (performances sportives) beaucoup plus grandes le ventre vide : quand la survie est en jeu.
Pour en revenir à l’étude anglaise, les chercheurs se sont rendu compte que les données sur la question des dix dernières années ont démontré que l’entraînement à jeun peut favoriser des adaptations induites au niveau des muscles squelettiques3 (augmentation de l’activité enzymatique mitochondriale maximale et/ou du contenu mitochondrial avec une augmentation du taux d’oxydation des lipides).
S’entraîner régulièrement à jeun pourrait donc entraîner le corps à devenir plus efficace pour brûler les graisses, mais faire un ou deux entraînements de temps en temps sans rien manger serait donc peu utile pour brûler plus de graisses.
Des avantages hormonaux
C’est le principe du jeûne intermittent que l’on explique dans la partie nutrition sportive. Augmenter la période de jeûne entraîne une réaction hormonale très forte :
- Amélioration de la sensibilité à l’insuline.
- Augmentation de la production d’hormone de croissance, qui active le métabolisme des graisses4 et qui permet de préserver la masse musculaire.
- Augmentation de la testostérone. On sait que la sécrétion de testostérone suit un rythme circadien56 (ceci est juste une façon élégante de dire que la quantité de testostérone dans le sang varie en fonction du moment de la journée). Le taux sérique de cette hormone est maximal entre 05h30 et 8h00 (avant le petit-déjeuner) puis diminue lentement jusqu’à la fin de la journée, et recommence à augmenter pendant la nuit. On sait aussi que prendre un repas provoque une diminution du taux de testostérone7. Retarder son premier repas permet donc de profiter plus longtemps d’un taux de testostérone élevé.
Entraînement à jeun : fausse bonne idée ?
On vient de voir les “avantages” et les études “pour” mais il y a de nombreuses études qui concluent que s’entraîner l’estomac vide n’est pas la meilleure idée pour perdre de la graisse. Par exemple, une étude italienne publiée en 20118 a conclus qu’une collation avant l’entraînement ou un repas léger aide le corps à brûler la graisse plus efficacement. Cette étude a été réalisée sur 8 personnes ayant fait 36 min de cardio modéré.
Une autre étude américaine publiée dans le Journal of the International Society of Sports Nutrition du mois de novembre 20149 n’a trouvé aucune différence au niveau de la perte de poids entre 2 groupes de 10 femmes qui ont soit pris un shake de protéines avant un entraînement de cardio, soit fait leur cardio sans manger.
Mêmes conclusions dans une étude anglaise publiée en juin 201210 dans laquelle les participants ont couru 60 minutes.
Mon avis sur la question
Certains disent qu’il faut absolument prendre son petit déjeuner avant pour avoir de l’énergie… mais c’est très mal connaître la physiologie de la digestion. En effet, il faut compter pour les aliments que tu avales de 1 à 4 heures de passage dans l’estomac. Et contrairement à ce que quelques personnes pensent, il n’y a pas d’absorption des nutriments dans cet organe.
L’estomac est un espace de stockage provisoire dans lequel les aliments sont littéralement démolis et moulinés par une action mécanique et chimique (enzymatique). Parmi les études citées en référence, celle de l’Université de Cambridge est très détaillée et l’on voit bien qu’il y a une pause de 2 heures pour que la digestion soit assurée avant l’effort physique.
Tout ça pour dire que si tu prends un petit déjeuner au lever pour aller courir directement après, cela ne te sera d’aucune utilité pour ton effort. En plus de cela, courir avec l’estomac plein, ce n’est pas ce qu’il y a de plus agréable. Donc si tu ne veux pas faire un effort à jeun, tu devras te lever en avance pour prendre ton petit déjeuner, puis aller courir au moins 2 h plus tard.
Si tu choisis l’option sans petit déjeuner et que tu as peur de perdre de la masse musculaire, tu peux prendre un shake de protéines (le liquide passe très peu de temps dans l’estomac) ou de BCAA 2.1.1* avant de t’entraîner. Personnellement, c’est l’option que je choisirai. Je préfère ne pas sacrifier 2 heures de sommeil, faire du cardio court et intensif (les séances marathon ce n’est pas pour moi) du style entraînement tabata ou WOD de CrossFit, et prendre un bon petit déjeuner après l’effort !
* Évite les BCAA 4.1.1 ou 5.1.1, car l’acide aminé leucine a tendance à titiller les cellules bêta des îlots de Langerhans qui produisent de l’insuline11, et en présence d’un taux élevé de cette hormone, la perte de poids est compromise.
Et l’eau dans tout ça ?
Ce qui est essentiel, et peu de personnes en parlent, c’est d’être hydraté avant, pendant et après ta séance d’entraînement. Boire suffisamment d’eau t’aidera à t’entraîner avec le maximum d’énergie, et ne pas boire assez, c’est t’exposer à une grosse diminution de tes performances12 et une augmentation du risque de blessures, que tu pratiques un sport d’endurance ou de force1314. De plus, des études ont montré que lorsque les cellules perdent de l’eau, et donc du volume, la dégradation des protéines peut accélérer1516.
Parce que la soif est souvent confondue avec la faim, boire de l’eau est donc la première chose à faire. C’est peut-être plus important que de savoir si tu dois ou pas manger avant une séance d’entraînement.
Références
↑1 | Breakfast and exercise contingently affect postprandial metabolism and energy balance in physically active males. |
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↑2 | Carbohydrate availability and exercise training adaptation: too much of a good thing? |
↑3 | Adaptations to skeletal muscle with endurance exercise training in the acutely fed versus overnight-fasted state. |
↑4 | Fasting enhances growth hormone secretion and amplifies the complex rhythms of growth hormone secretion in man. |
↑5 | Circadian variation in serum free and non-SHBG-bound testosterone in normal men: measurements, and simulation using a mass action model. |
↑6 | Diurnal rhythms of serum total, free and bioavailable testosterone and of SHBG in middle-aged men compared with those in young men. |
↑7 | Postprandial changes in sex hormones after meals of different composition. |
↑8 | Exercising fasting or fed to enhance fat loss? Influence of food intake on respiratory ratio and excess postexercise oxygen consumption after a bout of endurance training. |
↑9 | Body composition changes associated with fasted versus non-fasted aerobic exercise. |
↑10 | Appetite, energy intake and resting metabolic responses to 60 min treadmill running performed in a fasted versus a postprandial state. |
↑11 | Leucine metabolism in regulation of insulin secretion from pancreatic beta cells. |
↑12 | Impact of mild dehydration on wellness and on exercise performance. |
↑13 | Active dehydration impairs upper and lower body anaerobic muscular power. |
↑14 | The influence of hydration on anaerobic performance: a review. |
↑15 | Cellular hydration state: an important determinant of protein catabolism in health and disease. |
↑16 | Effects of changes in water compartments on physiology and metabolism. |